Les Allamands Samoëns

Les Allamans, c?est un tout petit village, isolé dans un site pittoresque, auquel on accède par une route étroite et sinueuse, qui grimpe entre les sapins.
Dans ce lieu de promenade et de villégiature estivale, on retrouve l?esprit bien vivant de la montagne : il y a un siècle encore, le village était habité à l?année, et il fallait à ses habitants beaucoup de courage pour affronter les rudes travaux agricoles et les rigueurs du milieu.Les origines du village des Allamans remontent au début du XIIIe siècle, à une époque où les ruraux menaient des efforts intenses pour faire reculer la forêt.
Sous l?impulsion des seigneurs laïcs et des moines, sous l?action de la cognée, les pâtures s?élargissaient, dépassant la lisière des anciennes clairières et des zones broussailleuses.
Au dessus de Samoëns, sur le massif marquant la frontière entre Faucigny et Valais, existaient encore d?immenses étendues boisées sur lesquelles il n?existait pratiquement aucune pâture.
Les seigneurs féodaux, désireux de mettre en valeur ce secteur, décidèrent d?y installer à leurs frais une colonie de bûcherons spécialistes de la forêt.
Avec l?accord des moines de l?abbaye d?Aulps, en 1215, plusieurs familles de langue allemande prirent possession des lieux et fondèrent un village qui fut baptisé village des Allamans.Ces nouveaux venus se lancèrent dans de formidables travaux pour nettoyer la forêt, agrandir et épierrer les clairières.
Au bout décennies d?un travail harassant, deux nouveaux alpages virent le jour : Bostan et Odda.
Il est intéressant de constater que ces nouveaux espaces reçurent et conservent des noms germaniques : Bostan provient de Bostâr qui signifie « bois » et Odda signifie « bien précieux » en haut-allemand.A la fin du moyen âge, les familles des Allamans étaient parvenues à un certain niveau d?aisance matérielle.
Les montagnards tiraient de confortables revenus de l?élevage et pouvaient même offrir une solide instruction à certains des leurs : le village était notamment pourvu de ses propres notaires.Le trafic entre le Faucigny et le Valais connaissant un certain essor, dès cette époque, le village devînt également un important lieu de passage.
Il était fréquenté en toute saison par des voyageurs, des marchands, des transhumants et des pèlerins cheminant vers la vallée du Rhône par la route des cols d?altitude.
On faisait une halte bienvenue aux Allamans pour se rafraîchir (ou se réchauffer !) avant de poursuivre son chemin vers le Val d?Illiez par les cols de la Golèse et de Coux.Si le village sortit de son isolement à cette époque, il dût aussi affronter de terribles épreuves.
En 1476, les troupes militaires bernoises déferlaient sur Samoëns par la route des cols et incendiaient les Allamans.
Un demi-siècle plus tard, le village était brulé une nouvelle fois par les troupes de la ligue des cantons Suisses.
On alla même jusqu?à incendier les chalets d?alpage, et le village le plus élevé du massif (le Ramble, au niveau de l?actuel refuge Tornay), ne fut jamais relevé.Le temps était venu pour les autorités de veiller sur la frontière avec beaucoup plus de rigueur, et les Allamans allaient bientôt recevoir des relèves régulières de douaniers.On a peine à imaginer combien la vie était autrefois difficile dans ce site montagnard.
Si les habitants du village devaient affronter des travaux harassants dans des conditions climatiques parfois difficiles, ils devaient aussi composer avec une faune sauvage qui ne leur simplifiait pas la tâche (renards, sangliers, ours), ce qui leur a valu le nom local de Couve-Loups.
(Meynet Mickaël)